Cast: Pauline Burlet & Emilie de Preissac
DOP: Bernard Vervoort
Editor: Catherine Le Mignant-Labye
Production: Ezekiel 47-9
Belgium
21min
First release: 2007
CAST
EMILIE DE PREISSAC: sarah
PAULINE BURLET: alice
PATRICK RIDREMONT: police man
SERGE SWYSSEN: father
ANNE PASCALE CLAIREMBOURG: mother
CREW
1rst assist director: Baudouin Dubois
Sound engineer: Marc Engels
Sound designer: Seal Phuric & trionix
Set designer: Marc Philippe Guerig
Special effects make up: Lionel Le
Colorgrading: Lionel Kopp (Digimage, Paris)
Script: Jean-Marc Vervoort & Emmanuel Jespers
Director: Emmanuel Jespers
SYNOPSIS
Perdues en pleine nuit au beau milieu d’une forêt inquiétante, deux sœurs sorties de nulle part, Sarah, 16 ans et Alice, 12 ans cherchent à rejoindre leurs parents. Trempées, éreintées, elles ne reconnaissent pas l’endroit et finissent par se perdre. Sont-elles dans la bonne forêt ?
Ces pérégrinations seront l’occasion pour Sarah, une ado rebelle et mal dans sa peau de jouer à un petit jeu cruel avec sa cadette, la faisant culpabiliser et essayant de la convaincre qu’elle a été adoptée. Elle ne sait pas encore que de sa capacité à aimer sa petite sœur dépendra leur survie.
INTERVIEW PARUE SUR WWW..CINERGIE.BE
Promenons-nous dans les bois…
Depuis Sam Raimi (Evil Dead) et Line Renaud (Ma Cabane au Canada), l’épouvante en milieu forestier est devenu un sous-genre à part entière du cinéma d’horreur. On ne compte plus les cinéastes aguerris (Rob Schmidt et son Wrong Turn – Détour Mortel, Eli Roth et son Cabin Fever) ou les petits malins opportunistes (les « réalisateurs » du fumeux Projet Blair Witch) qui empoignent leur caméra et entraînent leurs équipes barouder dans les forêts du monde entier pour des tournages souvent éreintants.
Lieu cinématographique par excellence, la forêt, par son côté mystérieux, par sa valeur métaphorique héritée des contes de fée, par sa géographie aléatoire propice aux jeux de cache-cache et à l’utilisation à des fins horrifiques de l’obscurité, est un lieu qui se prète formidablement au cinéma fantastique.
Le réalisateur Emmanuel Jespers s’efforce depuis des années d’imposer sa conception personnelle du film fantastique dans notre cinématographie nationale regorgeant d’esprits encore souvent très rétifs à la moindre tentative de cinéma de genre. Après avoir découvert Cécile de France et l’avoir fait tourner dans deux de ses premiers courts, Le Dernier Rêve et Nervous Breakdown, il nous revient ici, un an après le succès de Personal Spectator dans de nombreux festivals avec un nouveau récit fantastico-ésotérique tourné entièrement de nuit dans une forêt de Louvain-la-Neuve. Son objectif ? Réaliser un authentique film de trouille en seulement vingt minutes.
Savant mélange entre les univers pourtant à priori aux antipodes de Sam Raimi (pour les courses effrénées dans la forêt touffue dont les moindres recoins peuvent receler les apparitions les plus effrayantes) et d’André Delvaux (on est ici en plein dans le réalisme magique cher à l’auteur d’Un Soir, un Train !), Deux Sœurs, homonyme du chef d’œuvre coréen de Kim Jee-Woon sorti en 2004, parvient malgré ces influences susceptibles d’être écrasantes à trouver sa propre identité par la qualité de l’écriture et de la structure scénaristique, classique mais néanmoins ingénieuse.
Film de trouille, oui, mais pas que !... Car Deux Sœurs, c’est avant toute chose un drame familial, l’observation pointue et mordante d’une relation amour-haine entre ces deux frangines plongées dans un cauchemar, une relation qui frappe par sa justesse et son sens de l’observation. Pas d’édulcoration dans les échanges entre les deux héroïnes ! Ici les enfants ne nous sont pas présentés comme des jolies petites choses blondes et aux dents blanches mais bel et bien pour ce qu’ils sont vraiment au quotidien : tour à tour cruels, jaloux, rongés par le remords, incapables de montrer leurs sentiments réels, puis peu après, tendres, authentiques et se serrant les coudes face à l’adversité… Le personnage de Sarah en particulier est tout cela à la fois et le spectateur sera partagé entre l’envie de gifler cette gamine capricieuse ou de l’aider à se sortir de ce cauchemar.
Emmanuel Jespers fait ici une nouvelle fois preuve de son sens du casting en offrant le rôle principal à une nouvelle venue, la française et très « nature » Emilie de Preissac, une débutante vue cette année dans Regarde-moi, d’Audrey Estrougo et l’année précédente dans le Jean-Philippe de Laurent Tuel. Une vraie nature et une authentique révélation cette Emilie ! Avec son franc-parler, son débit - mitraillette, son attitude revêche, son look gothique, sa beauté si spéciale (elle rappelle quelque peu une très jeune Simone Signoret ou encore, par son tempérament de feu sa collègue Sarah Forestier) gageons que la jeune actrice ne tardera pas à gagner des galons mérités de « jeune espoir du cinéma français™ » !
Jusqu’ici tout va très bien me direz-vous, mais étant donné le nombre de films récents dits « de trouille » n’ayant tenu aucune de leurs promesses dans l’exercice (difficile, certes) de l’effroi (Quelqu’un se souvient-il encore de Silent Hill ou de Ils ? – Personne ? C’est normal, nous non plus !), Emmanuel Jespers a-t-il réussi en vingt petites minutes à affoler le peacemaker de grand-maman et à traumatiser pour longtemps les mirettes de votre petite sœur, quitte à la transformer en insomniaque maniaco-dépressive ? La réponse est (soupir de soulagement…) oui ! A deux reprises en particulier, l’aiguille du trouillomètre vient dangereusement tutoyer les cimes : tout d’abord lorsque les deux gamines retrouvent leur gentil toutou qu’elles croyaient perdu – l’obscurité aidant largement ici à créer la frayeur - et ensuite lorsqu’elles sont confrontés à une famille de danois fantomatiques eux aussi apparemment perdus dans cette forêt. Une scène au cours de laquelle Jespers convoque à la fois les souvenirs de The Kingdom (L’Hôpital et ses Fantômes, de Lars Von Trier, dans lequel peur et absurde faisaient bon ménage) et le Inland Empire labyrinthique de David Lynch.
Pas besoin donc de monstres mutants, de score à la Bernard Herrmann ou de gerbes de sang (même si on n’a rien contre, bien au contraire !) pour flanquer une frousse bleue. Ici la terreur, le sentiment de froid, d’humidité, sont créés de manière économique et simple mais dans une exécution pour le moins efficace, notamment par des bruitages très travaillés, par l’apparition d’un personnage inquiétant de policier (Patrick Ridremont) dont on ne verra jamais le visage ou encore par l’utilisation judicieuse du caméscope que trimballe Sarah et dont les images lui jouent – ou ne lui jouent pas – des tours.
Notons, comme l’a fait le jury du Festival Media 10-10 en novembre dernier la qualité de l’image numérique qui a parfaitement réussi à nous projeter au sein d’une forêt plongée dans l’obscurité la plus totale tout en gardant un cadre parfaitement lisible. Dieu sait si filmer les ténèbres est un exercice casse-gueule mais Jespers, à l’issue d’un tournage long et épuisant qui l’a laissé complètement chauve s’en tire ici avec les honneurs. Pour peu que vous visionniez ce film sur un grand écran (le petit écran risque évidemment d‘amoindrir la qualité du détail pictural…) vous serez vous aussi transporté dans cette pénombre à la recherche des parents de Sarah et Alice.
Si l’on peut ici et là souligner quelques menus défauts (un score parfois maladroit, certains dialogues trop écrits…), 2 Sœurs, s’il ne révolutionne pas un genre ultra-balisé nous pousse à nous poser les deux questions suivantes : pourquoi ne voit-on pas naître davantage de projets de la sorte chez les étudiants frileux de l’INSAS et de l’IAD ? Et quand Emmanuel Jespers va-t-il enfin se décider à passer au long ?
Au boulot Manu !
Grégory Cavinato.
INTERVIEW PARUE SUR WWWW.CINEMAFANTASTIQUE.NET
Par : Damien Taymans
- Do vient ta passion du cinma fantastique ?
Quand jՎtais ado jallais au cinma de quartier en vlo et je regardais tous les films. Un film mavait assez frapp, avec Yul Bryner, un des premiers de Michael Crichton dans lequel il y avait ce projet dment de trois villes reproduisant des poques, habites de robots
- Westworld ?
YES ! a mavait compltement sci. Mais sinon, je lisais Edgar Poe, Maupassant, Julien Green Vers 14 ans,.ma mre mavait offert un bouquin : Le Voyageur sur Terre de J Green. Le bouquin est dun dsesprant. Le gars se suicide en rve puis en ralit. Il hallucine la prsence dun ami qui en fait le poussera sa perte ! Des annes plus tard, aprs lavoir lu, elle ma dit : si je lavais lu avant jamais je ne te laurais offert ! mais justement moi jadorais cette densit noire !
Mais cest vraiment Edgar Poe qui fut le dclic ! Ce qui est extraordinaire dans la littrature et le cinma fantastique, cest que sous des dehors de divertissement ces machins te font rflchir bien plus loin que la philosophie quon tudiait en classe !
- Outre ce film de Crichton, dautres ralisateurs ou films tont-ils marqu ?
Oui Brian de Palma. Dans des films comme Blow Out, Pulsions, il a une faon de chorgraphier lhorreur qui en fait un ral tout fait part. Sa camra glisse comme un oeil humain entre les personnages et nous fait dcouvrir le drame qui se prpare sous "nos" yeux et souvent ce sont les yeux de lassassin. Jaime quand la camra est dans laction. Je naime pas quand elle observe la scne distance comme les vaches regardent passer les trains sous prtexte que cest a "la ralit". Lexcuse est bidon, et elle est utilise dans trop de films. Je pense, et jen suis persuad, quil ny a AUCUNE ralit. Tout est affaire de points de vue personnels et cest pour cela que le cinma de genre est un cinma paradoxalement trs subtil : il propose chaque fois une interprtation diffrente de la ralit, en changeant seulement un ou deux paramtres de celle-ci. Un film fantastique ou de Sci Fi, a commence toujours par : ET SI ? Et cest le dpart dun voyage nouveau et fantastique dans la condition humaine.
Jai dit "paradoxalement" parce que le cinma de genre, en particulier fantastique, est rarement reconnu. Pourtant des films comme 2001 ou Alien proposent des hypothses de rflexions extrmement fcondes, mme au niveau philosophique.
- Ces oeuvres tont donc inspir pour dbuter dans la ralisation...
Oui tu as raison je mՎgare...
- Non je peux te laisser palabrer si tu le souhaites
Je suis interminable quand je commence parler. Je devrais tre prof.
- Tu peux nous parler un peu de ton parcours ?
Aprs trois annes darchitecture lUCL o je ne trouvais pas mon compte, jai commenc la ralisation lIAD. Mes films faisaient plutt dans le genre fantastique. En troisime anne, jai ralis un film dans lequel ma copine jouait une femme enceinte dun monstre et qui en fait baver son mari car cette chose dans son ventre change son comportement. Elle se met bouffer du crabe tous les repas
Bon mais ces petits films ne faisaient pas lunanimit au sein du corps professoral...
- Tu mՎtonnes
Les profs se regardaient interloqus, ne sachant pas quoi penser. Mais bon malgr tout jai fini par sortir de lIAD avec un diplme. Cest aprs que a sest cors. Mes scnarios nintressaient pas les producteurs et jai gagn tout un temps ma vie avec des centaines de reprages pour la publicit et aussi la ralisation de films dentreprise et quelques docus. CՎtait malgr tout passionnant faire. Je ne regrette pas dՐtre pass par l. Ca ma permis de gagner en exprience et dՎlever ma petite famille dans des conditions financires confortables. Puis ce qui devait arriver arriva : En 1999 jen avais assez de laisser la fiction de ct. Jai crit Le Dernier Rve que jai produit et ralis en 2000. A partir de l, jen ai ralis encore 4 : Nervous Breakdown et A Night to Remember pour Gaumont et Universal France en 2003, puis Personal Spectator en 2006, et en 2007 Deux Surs et Artefacts, un long-mtrage coralis avec Giles Daoust. Au total 38 prix dans les festivals internationaux.
- Tes deux derniers films slectionns en comptition au festival du BIFFF ("Deux Soeurs" et "Artefacts") ɍa doit te donner beaucoup de satisfaction non ?
Oui je suis vraiment content parce que cest un des festival que jaime le plus, pour son ambiance survolte. Jai hte dentendre le public hurler Mais pourquoi elle est si mchante ? sur ces deux films.
- Peux-tu nous parler de Deux surs ?
Le principe est simple. Un crash de bagnole. Tous sont morts sauf une ado qui, jecte, se met errer et halluciner toute seule. Tous ceux quelle va rencontrer dans le bois sont en ralit dj morts dans le crash. Mais elle ne sen rend pas compte car, dans un tat second, elle peroit cette ralit comme LA ralit. Et le spectateur aussi vit cette histoire travers ses yeux. Plus le film avance plus le spectateur se pose des questions : Que fait cette famille danoise dans le noir total pique niquer autour dune table, pendant que leurs enfants jouent au freez bee ? Pourquoi ce flic ne les aide pas retrouver leurs parents ? Pourquoi leur propre pre sՎloigne delles ? Ce nest que dans les dernires minutes quil comprend que cette ralit est hallucine par Sarah, en pleine droute et sans doute commotionne par laccident. L-dessus se greffe un drame entre elle et sa petite sur qui a jou depuis toujours le rle de souffre-douleur.
Ce qui tait chouette faire cest de donner consistance cette hallucination pour quon ne se doute pas quelle soit fausse.
- Pauline Burlet a-t-elle bien support les conditions de tournage qui semblent, dans le film, trs difficiles ?
Ca a t prouvant pour elle parce quon a travaill de nuit, en avril (heureusement la vague de chaleur a commenc le lendemain du premier jour de tournage donc a nous a sauv). Pauline caillait des barres le premier jour, ses lvres taient bleues. Par ailleurs, travailler dans une fort de nuit nest pas simple. Il fallait installer le campement tous les jours. Il y avait des cbles et des projos sur 200 mtres la ronde, et puis il fallait tout remettre dans le camion aux petites heures... Mais le plus prouvant pour moi cՎtait que je sortais du tournage de Artefacts un mois plus tt et que je devais lancer la prod de ce court en remplacement du tournage initialement prvu en France avec un coproducteur franais. Donc, du jour au lendemain, je devais constituer une quipe, reprer une fort, briefer toute lՎquipe alors que jՎtais quand mme assez fatigu du tournage dArtefacts. Quand je suis arriv sur le plateau jՎtais aussi mort que les Danois du film.
- Vous tourniez autour de quel budget ?
On devait tourner avec plus au moins 100000 euros cash, finalement le film a t fait avec la moiti, suite la disparition quasi totale de la coprod franaise. Mais heureusement lՎquipe tait exceptionnelle. Lassistant ral, le chef op, la coach, et puis tous les autres ont vraiment donn beaucoup deux-mmes. Je leur dois beaucoup pour lexistence de ce film.
- Quelles ont t tes influences pour raliser "Deux soeurs" ?
Pour le twist de fin, les films de Night Shyamalan. Sinon la logique interne des morts que Sarah, lhrone, rencontre dans la fort est inspire de bouquins sur les lgendes bretonnes. En Bretagne, les morts empruntent des chemins bien dtermins, en ligne droite vers le coeur des forts o ils disparaissent
- Une influence celtique donc...
Oui. Ces morts sont morts mais ne sen rendent pas encore compte. Cette ide se retrouve dans le film : la famille des Danois qui est l en fort en dduit logiquement quils y sont pour pique-niquer puisque leur dernier souvenir date de la route o ils partaient en vacances... Donc ils sont l dans le noir complet et ils piqueniquent.
- Comment expliques-tu ce ddain du cinma de genre en francophonie ?
On vit sous la dictature du cinma hyper raliste. Je nai rien contre le cinma raliste mais jen ai beaucoup contre lide que a, cest LE cinma. Cest une rigidit mentale proche de ce que le cinma des pays de lEst vivait dans les annes Brejnev. Aujourdhui, beaucoup de films sont "intelligents"... mais surtout au sens littraire. Quand Fellini ralisait Roma , il tait dabord un visionnaire et il se foutait bien de savoir si son portrait tait juste et quilibr. Quand Kubrick filmait la violence urbaine des jeunes il ne nous faisait pas voir un docu amlior. Il inventait de toutes pices un monde terrifiant : Orange Mcanique. Pour moi ce nest pas de quoi on parle mais comment on en parle qui importe.
Le ddain vis--vis du cinma de genre ne vient pas du public mais des professionnels, et pour moi cest peut-tre aussi le rsultat dun manque de rigueur. Le cinma de genre est dune logique implacable, avec des rgles trs contraignantes, La structure du film de genre est plus rigoureuse que celle du cinma dramatique. Il ny a que la comdie qui est plus complique.
Je trouverais bien que dans les coles de cinma on rhabilite le cinma de genre, pas comme une blague dՎtudiant, mais comme un cinma part entire.
- Deux surs na reu que des louanges. Tu tattendais un tel succs ?
Jespre toujours un succs, cest humain, mais en fait je suis toujours surpris quand a arrive.
- Bonne chance pour les comptitions du BIFFF !
( Interview ralise par Damien Taymans et Gore Sliclez, avec la collaboration de Mae-Nak)